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que je lui appartiens et à qui je n’appartiendrai jamais !

— Ne le hais pas, plains-le ; il n’est pas ivre, il est aliéné !

Elle tomba sur un fauteuil sans pouvoir dire un mot, puis elle me fit quelques questions rapides. Je lui racontai tout ce que m’avait dit Dubois ; elle m’écoutait, l’œil fixe, presque hagard.

— Voilà, dit-elle enfin, une horrible éventualité qui ne s’était pas présentée à mon esprit, — être la femme d’un fou ! avoir la plus répugnante des luttes à soutenir contre un homme qui n’a plus ni souvenir de ses promesses ni conscience de mon droit ! Combattre non plus une volonté, mais un instinct exaspéré, se sentir liée, saine et vivante, à une brute privée de raison ! Cela est impossible ; une telle chaîne est rompue par le seul fait de la folie. Il faut faire constater cela. Il faut que tout le monde le sache, il faut qu’on enferme cet homme et qu’on me préserve de ses fureurs ! Je ne peux pas vivre avec cette épouvante d’être à la merci d’un possédé ; je n’ai fait aucune action criminelle pour qu’on m’inflige ce supplice de tous les instants. Ah ! ce Valbonne qui me hait, comme il m’a trompée ! Il le savait, lui, qu’il me faisait épouser un fou ! Je dévoilerai sa conduite, je le ferai rougir devant le monde entier.

M. Dietrich rentrait, elle l’informa en peu de mots, et continua d’exhaler sa colère et son chagrin en menaces et en plaintes, adjurant son père de la protéger et d’agir au plus vite pour faire rompre son mariage.