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cela. Elle n’est ni sa femme parce qu’elle n’est pas son égale devant Dieu, ni son amante parce qu’elle avilit l’amour dans ses appréciations misérables. Il ne peut pas l’aimer. Ce que l’homme de bien ne peut pas faire, c’est le mal, et ce qui avilit l’âme, ce qui rétrécit le cœur et l’esprit, c’est l’amour mal placé. Tu veux qu’il aime cette femme ! Ta conscience te crie que tu mens, car elle te choque et te froisse toi-même ; tu le lui fais sentir plus durement que moi. Tu veux que j’aime ce demi-sauvage déguisé en paladin que j’ai épousé pour montrer à Paul que je n’avais pas de sens ? Si j’aimais ce Rivonnière, qui, malgré ses belles manières et sa bonne éducation, est, à un autre échelon social, le pendant de l’élémentaire Marguerite, je serais vraiment avilie ; mais je n’ai pas le goût des choses basses : j’aime mon mari comme Paul aime sa femme. Ce sont deux personnes d’une autre variété de l’espèce humaine que la variété à laquelle nous appartenons. Des convenances extérieures nous ont forcés à nous les associer dans une certaine limite, lui pour avoir des enfants, moi pour n’en point avoir. Ce que nous leur devons, c’est le contraire de l’amour ; Paul doit la paternité, moi la virginité. Pourquoi souffrirait-il de mon état de neutre, quand il m’est indifférent qu’il soit procréateur avec une autre ? Notre lien, c’est l’intelligence ; notre fraternité, c’est la pensée ; notre amour c’est l’idéal. Nous nous aimons, et tu n’y peux rien, va ! Dis-lui maintenant tout ce que ta maladroite prudence te suggérera contre moi : il n’y croira plus, il ne te comprendra