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ne pénètrent pas. Je suis une nature élevée, je vis au-dessus de la réalité ; tu devrais le savoir, et je trouve qu’en l’oubliant tu te rabaisses plus que tu ne m’offenses. J’ai voulu être la plus noble et la plus pure affection de Paul en même temps que la plus vive. Crois-tu que j’aie échoué ?

— Si tu n’as pas échoué, tu as accompli une œuvre de malheur et de destruction. Se mettre à la place de la femme légitime dans le cœur et la pensée de l’époux, retirer soi-même, à celui qu’on a choisi, la place qu’il doit occuper dans le cœur et dans la pensée de sa femme, c’est commettre, dans la haute et funeste région que tu prétends occuper, un double adultère qui n’a pas besoin du délire des sens pour être criminel. C’est se jouer froidement des liens de la famille, c’est renverser les notions les plus vraies et se créer un code de libres attractions en dehors de tous les devoirs. C’est un échafaudage de sophismes, de mensonges à sa propre conscience, et tout cela prémédité, raisonné, travaillé, me semble odieux ; voilà mon jugement, et si tu ne peux le supporter sans colère, quittons-nous. Tu t’es trop dévoilée, je ne t’estime plus ; je m’efforcerai de ne plus t’aimer…

— Comme tu deviens irritable et intolérante ! répondit-elle froidement ; voyons, calme-toi, tu me dis mes vérités avec fureur, tu me forces à te dire les tiennes de sang-froid. Il se peut que je sois romanesque, mais je prétends l’être avec dignité, avec succès, et faire triompher dans ma vie ces prétendus sophismes dont je saurai faire des vérités ; toi, pauvrette,