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avec une énergie de conviction qui ne souffrait guère de réplique.

— Permettez, lui dis-je, j’ai été gâtée comme les autres dans mon enfance ; je n’ai passé par ce qu’on appelle l’école du malheur que dans l’âge où l’on a toute sa force et toute sa raison, et c’est de quoi je remercie Dieu, car j’ignore comment j’eusse subi l’infortune, si elle m’eût saisie sans que je fusse bien armée pour la recevoir.

— Donc, reprit-il en poursuivant son idée sans s’arrêter aux objections, vous valez mieux depuis que vous avez souffert ? Vous n’étiez auparavant qu’une âme sans conscience d’elle-même ?… Je me rappelle bien aussi mon enfance ; j’ai été nul jusqu’au moment où il m’a fallu combattre à mes risques et périls.

— C’est la force des choses qui amène toujours cette lutte sous une forme quelconque pour tous ceux qui entrent dans la vie. La société est dure à aborder, quelquefois terrible : croyez-vous donc qu’il faille inventer le chagrin pour les enfants ? Est-ce que dès l’adolescence ils ne le rencontreront pas ? Si la vie n’a d’heureux que l’âge de l’ignorance et de l’imprévoyance, ne trouvez-vous pas cruel de supprimer cette phase si courte, sous prétexte qu’elle ne peut pas durer ?

— Alors vous raisonnez comme ma femme ; hélas ! toutes les femmes raisonnent de même. Elles ont pour la faiblesse, non pas seulement des égards et de la pitié, mais du respect, une sorte de culte. C’est