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nous eûmes grand soin de n’en pas parler devant Marguerite, dont la jalousie se fût allumée.

Paul se montra, dans cette épreuve délicate, au-dessus de toute atteinte. Comme il avait coutume d’en rire quand je l’interrogeais, je l’adjurai, un soir que je l’avais emmené promener au Luxembourg, de me répondre sincèrement une fois pour toutes.

— Est-ce que ce n’est pas déjà fait ? me dit-il avec surprise ; pourquoi supposez-vous que je pourrais changer de sentiment et de volonté ?

— Parce que les circonstances se modifient à toute heure autour de cette situation, parce que M. Dietrich consentirait, parce que je serais forcée de consentir, parce que M. de Rivonnière se résignerait, parce qu’enfin tu n’es pas bien heureux avec Marguerite, et que tu n’es pas lié à elle par un devoir réel. Son sort et celui de l’enfant assurés, rien ne te condamne à sacrifier à une femme que tu n’aimes pas le sort le plus brillant et la conquête la plus flatteuse.

— Ma tante, répondit-il, vous jouez sur le mot aimer. J’aime Marguerite comme j’aime mon enfant, d’abord parce qu’elle m’a donné cet enfant, et puis parce qu’elle est une enfant elle-même. Cette indulgence tendre que la faiblesse inspire naturellement à l’homme est un sentiment très-profond et très-sain. Il ne donne pas les émotions violentes de l’amour romanesque, mais il remplit les cœurs honnêtes, et n’y laisse pas de place pour le besoin des passions excitantes. Je suis une nature sobre et contenue. Ce besoin, impérieux chez d’autres, est très-