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je ne nommerai pas : c’est mon plus riche client, et il passe pour un grand philanthrope. Cette persécution est devenue si irritante que Marguerite a perdu la tête et a voulu se tuer aujourd’hui pour échapper au mauvais destin qui la poursuit. Je ne sais pas si vous lui avez rendu service en la sauvant, mais vous avez fait votre devoir, et en somme vous avez sauvé une bonne créature qui eût été honnête, si elle eût eu une bonne mère.

« — Ne lui ouvrirez-vous pas votre maison, docteur, ou ne trouverez-vous pas à la placer quelque part ?

« — J’y ai fait mon possible ; mais sa mère ne veut pas qu’on lui arrache sa proie. Ma position dans le pays ne me permet pas d’opérer un enlèvement de mineure.

« — Alors que deviendra-t-elle, la malheureuse ?

« — Elle se perdra, ou elle se tuera.

Telle fut la conclusion du docteur. Il était bon, mais il avait affaire à tant de désastres et de misères qu’il ne pouvait que se résigner à voir faillir, souffrir ou mourir.

Le lendemain, je retournai voir Marguerite avec un projet arrêté ; je la trouvai seule, encore pâle et faible. Sa mère était en courses pour servir ses pratiques. La pauvre fille pleura en me voyant. Je voulus lui faire promettre pour ma récompense qu’elle renoncerait au suicide. Elle baissa la tête en sanglotant et ne répondit pas.

— Je sais votre histoire, lui dis-je, je sais votre intolérable position. Je vous plains, je vous estime et