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ci-devant vainqueur de la Bastille !

CHAILLAC. Comment ci-devant ? ci-devant vous-même !

REBEC. Pardonnez, j’ai la langue un peu épaisse. Je dis le brave Chaillac, vainqueur de la ci-devant Bastille et commandant actuel de l’héroïque garde nationale de Puy-la-Guerche, élu sur le champ de bataille, il y a quatre mois, en remplacement du traître Sauvières, passé à l’ennemi. En voilà, des titres de gloire !

CHAILLAC, trinquant. Merci ; à la vôtre ! Mais la modestie me force à dire que la défense de Puy-la-Guerche n’est pas un fait d’armes comparable à la prise de la Bastille, et que, si M. Sauvières, le ci-devant comte, ne se fût interposé entre nous et les royalistes…

MOUCHON, aviné. Et moi, je vous dis… je vous dis que si ! La Bastille, c’était la Bastille. Y avait du monde, y avait tout Paris pour prendre ça, tandis que notre ville, nous n’étions pas seulement deux cents hommes armés contre des mille et des mille brigands !

CHAILLAC. Vous n’en savez rien. Vous n’y étiez pas !

MOUCHON. Je n’y étais pas, je n’y étais pas… Ça vous plaît à dire !

REBEC. Allons, compère Mouchon, faut pas tergiverser ; nous n’y étions pas !

CHAILLAC. Vous étiez ici avec bien d’autres, et vous vous cachiez !

REBEC. Comme des imbéciles que nous sommes, — que nous étions ! pensant que le Sauvières était pour nous, tandis que l’oppresseur nous tenait dans les fers et nous livrait aux sicaires royalistes.