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Personne ne lui fera violence ou injure tant qu’il me restera un souffle de vie !

ROXANE, bas, à Louise. Le fait est qu’il agit ici un peu cavalièrement, le héros !

SAINT-GUELTAS, (allant à Louise, la regarde avec insolence et menace ; tout à coup il se radoucit, et, avec une émotion toute sensuelle, il lui prend et lui baise la main.) La beauté d’un ange et la fierté d’une reine ! Je vous rends les armes, mademoiselle de Sauvières ! Attachez votre mouchoir à mon bras en guise d’écharpe, je me regarderai comme votre chevalier, et je sortirai d’ici sans emmener ceux que vous voulez garder.

LOUISE. Vous me faites des conditions, monsieur ? J’ai ouï dire que les chevaliers n’en faisaient point aux dames.

SAINT-GUELTAS. Eh bien, exaucez une prière, ne refusez pas de me donner un brassard ; c’est un encouragement dû à un homme qui sera peut-être mort dans deux heures ; car je me bats, moi, de ma personne et corps à corps, tous les jours et deux fois plutôt qu’une. Voyons, un bon regard, une douce parole, un gage fraternel que j’emporterais au combat et qui serait sans doute bientôt rougi de mon sang… Que craignez-vous donc en me l’accordant ? Ce n’est ni votre cœur ni votre main que je vous demande. Est-ce qu’un homme dans ma position peut songer à enchaîner le sort d’une femme ? Nous ne nous marions plus, nous autres ! nous n’avons plus ni intérêts domestiques, ni joies de famille ; nous sommes des martyrs. Une femme de cœur comme vous doit nous comprendre, nous estimer et nous plaindre, et, quand nous ne lui demandons qu’une larme ou un sourire