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les prisonniers qui tenteraient de s’évader par ici, à moins que la trompette ne vous avertisse d’attendre. (À Motus.) Viens avec moi. (Ils montent un peu plus haut dans le bois.)

MOTUS. D’ici, mon capitaine, nous verrons sans qu’on nous voie, et nous distinguerons sans empêchement le lieu de l’exécution. La chose n’est point gaie, quoi qu’on en dise ; mais nous ne sommes point ici pour notre plaisir.

CADIO. Non sans doute. Raboisson était un homme doux et railleur, ne croyant pas au bien, mais n’aimant pas le mal.

MOTUS. Tu l’as connu quand tu servais, malgré toi, de trompette sur la cornemuse, du temps de la guerre de Vendée ?

CADIO. Oui, j’ai vu là plusieurs de ceux que je suis forcé de condamner aujourd’hui.

MOTUS. Te souviens-tu, mon capitaine, du jour où je t’ai bandé les yeux au château de Sauvières ?…

CADIO. Oui certes, je m’en souviens, aujourd’hui surtout !

MOTUS. Et moi, ça me revient comme dans un rêve. On faisait semblant de vouloir te fusiller.

CADIO. Et j’avais peur.

MOTUS. Oh ! tout le monde a peur la première fois devant la gueule d’un fusil ; mais quand je pense que, sans l’humanité et la patience du capitaine Ravaud, j’aurais fusillé comme espion l’homme le plus brave que j’aie jamais connu ?

CADIO. Je t’entends : nous fusillons là-bas des gens qui meurent mieux que je n’aurais su mourir alors !

MOTUS. Sans t’offenser, mon capitaine, l’émigré