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moi, vous aurez au moins son amitié, comme je l’ai eue.

LOUISE, exaltée. Son amitié ! elle souillerait ma vie ! garde-la pour toi qui en es digne, et qu’il me haïsse, l’infâme ! C’est assez que son odieux amour ait flétri mon passé et détruit mon avenir. Dieu de justice, venge-moi et frappe-le ! Protége les républicains, pardonne à l’égarement de ma croyance. Ils méritent de recevoir ta lumière plus que ceux qui prétendent te servir et qui se croient autorisés à commettre tous les crimes ou à en profiter, pourvu qu’ils aient un emblème sur la poitrine et une image au chapeau ! Honte et malheur sur ces bandits qui se jouent des choses sacrées, du mariage et de l’église, de l’amour et de la vérité ! Et toi, abjecte complice de tous les forfaits de ton maître, va lui dire ce que tu viens d’entendre. Dis-lui que, s’il approche de cette maison, où Henri et Cadio se feront tuer pour me défendre, je m’y ferai tuer aussi avec mon frère et mon mari !

ROXANE. Cadio, ton mari ? Ah ! elle devient folle !

LOUISE. Non ! je vois clair à présent ! c’est lui, c’est Cadio que j’aurais dû aimer. Il est l’homme de bien, lui, l’homme sincère et pur qui donnait sa vie pour laver la honte que je lui infligeais ! Orgueil de race, préjugés imbéciles ! J’aurais cru m’avilir en portant le nom de ce bohémien homme de cœur, et j’ai voulu le nom souillé d’un bandit de qualité !

ROXANE. Calme-toi, Louise !… c’est du délire !

LOUISE. Non ! je suis calme, je suis guérie comme sont guéris les morts. Je n’aime plus rien, ni personne ! Ah ! j’ai été trop punie ;… mais le moment de l’expiation est venu, et je vais me réhabiliter… Écoutez ! la mort approche, les coups de fusil deviennent