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à ce parti. Elle a cru prononcer une vaine formule. Elle a eu tort, il ne faut pas se jouer de sa parole, et certes elle ne l’eût pas fait pour sauver sa propre vie.

LOUISE. Non, jamais !

HENRI. Elle a surmonté l’effroi de sa conscience par dévouement pour les autres. C’est le plus grand sacrifice que puisse faire à la reconnaissance et à l’humanité une âme comme la sienne. Tu l’as senti, toi, tu l’as compris alors, car tu as suivi son exemple, et tous deux vous avez commis, dans un religieux esprit d’enthousiasme, une sorte de sacrilége ; vous avez oublié que les serments au nom de l’honneur et de la patrie sont faits à Dieu, avec ou sans autel, avec ou sans prêtre ! mais votre erreur à été sincère et complète. D’avance, tu avais tenu mademoiselle de Sauvières quitte de tout engagement envers toi, tu me l’as dit toi-même ; elle a dû se croire libre, et, en te rétractant, tu n’es pas seulement insensé, tu deviens coupable et parjure.

CADIO. Vous direz ce que vous voudrez, elle n’est pas légitimement mariée avec cet homme-là ! elle ne pouvait pas l’être, elle ne le sera jamais, elle ne sera pas la mère de ses enfants. Si elle les reconnaissait, ils seraient forcés de s’appeler comme moi.

HENRI. Soit ! Elle acceptera sans honte et sans crime la douleur de cette situation, et vivra avec celui qu’elle a voulu épouser devant Dieu, ignorant la valeur et l’indissolubilité de l’autre engagement. Mon rôle vis-à-vis d’elle consiste à faire respecter sa liberté morale, ne me forcez pas à vous donner des ordres.

CADIO. Je vous y forcerai, car vous ne m’avez pas convaincu. Je proteste contre la liberté que vous voulez