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si je vous perds et de ne jamais appartenir à un autre !

HENRI. Merci, Marie, je t’adore ! Tu es grande comme la vertu, tu es pour moi l’âme de la France, l’ange de la Révolution ! Oui, le devoir, — non pas avant l’amour, mais à cause de l’amour ! Je t’appartiens, Marie, et, si tu me disais d’être lâche, je le serais peut-être ; mais je sens qu’avec toi je ne peux pas le devenir. Tu es mon courage et ma lumière. Il n’est pas de grandeur sublime dont je ne sois capable avec une compagne telle que toi. Oui, je le sens, je m’élèverai au-dessus de la nature, je ferai des prodiges de dévouement, j’aurai la vie la plus pure et la meilleure conscience, je n’aimerai que toi seule. Le serment que tu me fais, je veux te le faire ; je jure de rapporter à tes pieds un cœur sans défaillance et un amour sans souillure.

MARIE. Mon Dieu, que vous êtes bon ! que nous sommes heureux !

HENRI. Oui, nous sommes heureux ! un calme divin descend en nous… Ah ! regarde, la nature s’illumine et rayonne ; toutes les splendeurs du ciel se déroulent dans ces nuages d’or qui courent sur nos têtes. Les bois exhalent des parfums exquis, le ruisseau chante des mélodies célestes. C’est la première fois que la campagne est ainsi, n’est-ce pas ? Tout était mort, ravagé, souillé. La terre avait bu trop de sang, — le sel des pleurs l’avait stérilisée, — ou, si elle verdissait et fleurissait encore, nous n’en savions rien. Nous n’avions pas le temps de la regarder, ou nous n’étions plus assez purs pour la comprendre. Aujourd’hui, tout s’est ranimé en nous et autour de nous ; aujourd’hui, c’est fête, c’est l’été, c’est la vie ! c’est le règne éternel