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plutôt que cet enfant abandonné était le fils de quelque artiste ou de quelque savant. S’il n’est qu’un paysan, peu importe d’ailleurs ; il y a de jeunes Bretonnes qui ressemblent à des vierges du Corrége, et ces pays agrestes que baigne l’Océan terrible et splendide produisent des types horriblement sauvages ou singulièrement poétiques. Son intelligence vous confond, c’est vous qui le dites ; son cœur est grand aussi, je lui rends justice, j’en sais quelque chose !… Enfin…

MARIE. Enfin vous voulez que je l’aime ?

HENRI, agité. Moi ?… Eh bien, voyons, supposons que je le désire !…

MARIE. Je ne pourrais pas vous satisfaire.

HENRI, lui prenant la main. Vous ne voulez pas me dire pourquoi ?

MARIE, rougissant et retirant sa main. Non.

HENRI. C’est un autre que vous aimez ?

MARIE, essayant d’être gaie. Je ne suis pas forcée de vous répondre, n’est-ce pas ?

HENRI. Vous souriez avec des yeux pleins de larmes ! Marie, chère Marie ! est-ce qu’il ne vous aime pas, celui que vous préférez ?

MARIE, se levant. Je ne sais pas… Je ne crois pas… c’est-à-dire je ne veux pas ! Je n’ai ni le temps ni le droit de vouloir être aimée. Il faut combattre la misère par un travail assidu et se tenir prêt à tout sacrifier dans ce temps de malheur… Le moyen de rendre quelqu’un heureux et d’élever une famille quand on a tant de peine à traverser la vie avec dignité pour son propre compte ? Les gens sans cœur et sans conscience s’étourdissent et cherchent le plaisir sans lendemain. — Moi, je ne saurais, je suis restée femme