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MARIE. Vous vous trompez absolument : cela n’est pas.

HENRI, agité. Qu’en savez-vous ? Vous n’en savez rien !

MARIE. Je sais que nous avons, lui et moi, une complète indépendance. Nous n’avons pas plus de fortune et d’aïeux l’un que l’autre. Une grande estime réciproque, une mutuelle reconnaissance pour les secours et les soins échangés dans ces derniers temps, nous ont donné le droit de nous parler sans détour. S’il m’eût aimée, je crois qu’il me l’eût dit avec la certitude de ne pas m’offenser et de ne pas perdre mon amitié : il m’a dit, au contraire, qu’il ne voulait ni connaître l’amour ni engager sa vie. Donc, je suis bien tranquille sur son compte.

HENRI. Alors… s’il vous eût aimée, vous ne l’auriez pas repoussé ?

MARIE. Je lui aurais dit : « Restons frère et sœur. »

HENRI. Voilà tout ?

MARIE. Voilà tout.

HENRI. Pourquoi, cela ?

MARIE. Comment, pourquoi ?

HENRI. Oui, pourquoi ? Il n’est pas encore l’homme qu’il doit être ; mais l’inclination ne se commande pas, et vous pourriez avoir rêvé d’associer votre avenir au sien. Sa figure, est agréable, ses manières sont naturellement distinguées. Tout son être délicat et harmonieux semble trahir une naissance mystérieuse…

MARIE, souriant. Ah ! voilà le gentilhomme qui reparaît malgré lui ! Vous croyez que, s’il y a une étincellée de noblesse naturelle dans notre caste, c’est qu’une goutte de sang patricien est tombée dans nos veines !

HENRI. Non, je ne crois pas cela, car je supposerais