Page:Sand - Cadio.djvu/245

Cette page n’a pas encore été corrigée

Allons ! ceux-ci seront fusillés. — Il faut bien varier le genre de mort, et puis la guillotine est fatiguée ; elle a trop mordu, la vierge rouge ! ses dents sont ébréchées. — (Riant.) Ah ! comme je t’ai bien conduit pour voir le spectacle, n’est-ce pas ? Mais tu en as assez, et, moi, je suis fatigué aussi. — Oui, c’est assez pour aujourd’hui. — Je veux, comme autrefois, écouter le chant des oiseaux et m’étendre sur la bruyère ! (Il se jette sur son grabat.)

HENRI. J’ai laissé parler ton délire. Pauvre malheureux ! tu prétends avoir tué la pitié, et elle te tue ! Tiens ! j’ai eu tort de vouloir te métamorphoser ! Tu es un artiste et non un soldat. Tu as trop d’imagination.

CADIO, se relevant. N’importe, je veux vivre et agir, dussé-je souffrir ce que nul homme n’a souffert ! Les artistes sont considérés comme des êtres inutiles et chimériques. Le devoir que tu m’as tracé est atroce, je veux le remplir. Je veux être un Français, un meurtrier comme les autres ! Il faut savoir tuer pour savoir mourir ; n’est-ce pas la devise du soldat ? Le trouble où tu me vois n’est que la dernière crise d’une longue agonie. Me voilà ranimé, tout ce que la République exigera de moi, je peux et je veux le faire. J’ai bu le calice de la terreur ! J’ai tué la peur, j’ai guillotiné, fusillé, noyé et violé la Pitié !

HENRI. Eh bien, cela est horrible, et je ne te trouve plus digne de servir la patrie, si tu dois rester ainsi… je me repens… Mais non, mon pauvre Cadio ! tu es malade, tu es faible, cela passera, je te calmerai. C’est ma faute après tout, je n’aurais pas dû te laisser ici ; que ne m’as-tu parlé plus tôt ? Mais qu’as-tu maintenant ? tu pleures ?

CADIO. Tu n’entends donc pas ? la voix du ciel !…