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LA KORIGANE. Pourquoi ?

CADIO. Parce que je ne serai jamais ni ça ni autre chose. Je ne peux rien être, et j’aime autant ça.

LA KORIGANE. Ce que tu es, je vais te le dire : tu es fou !

CADIO. On me l’a toujours dit ; mais peut-être bien qu’il n’y a que moi de sage sur la terre.

LA KORIGANE. Ah ! et pourquoi donc ça ?

CADIO. Parce qu’il n’y a que moi qui n’aie rien à réclamer et rien à défendre, par conséquent aucun mal à faire à personne.

LA KORIGANE. Imbécile ! tu as ta peau à défendre !

CADIO. Je la cache ! il ne faut pas beaucoup de place pour ça. Et qu’est-ce qu’elle est devenue, la demoiselle ?

LA KORIGANE. Elle est devenue pâle, et maigre, et mal habillée, et pauvre, et misérable !

CADIO. Et l’armée qu’elle suivait ?

LA KORIGANE. Elle la suit toujours.

CADIO. Et Saint-Gueltas ?

LA KORIGANE. Il voulait quitter. La demoiselle l’a retenu, pour son malheur et celui de tout le monde.

CADIO. Elle aurait mieux fait d’aimer son cousin Henri.

LA KORIGANE. Un bleu enragé ?

CADIO. Un beau garçon qui m’a donné la vie et rendu ma musique !

LA KORIGANE. Toujours ta musique ! ça passe avant tout.

CADIO. Puisque je n’ai que ça.

LA KORIGANE. Tu m’avais, moi ! Je t’aimais, et, si tu avais voulu mon cœur et ma vie…

CADIO. Je n’ai rien voulu de toi ; tu étais trop mauvaise.