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âme ? Ne vois-tu pas que tous ses entraînements portent l’empreinte de la haine et de la vengeance ? Cet homme épris de pillage et de massacre me fait, au milieu de son odieuse gaieté, l’effet d’un fléau qui n’a plus conscience de lui-même.

LOUISE. Tu en dis trop de mal pour qu’il te soit indifférent.

MARIE. Je voudrais t’arracher à son influence. Je te vois perdue, si je n’y parviens pas. Ton père, toujours irrésolu, n’a pas le courage de contrarier ton penchant ; ta tante…

LOUISE. Est une vieille enfant, je le sais : elle subit le prestige encore plus que moi ; mais, toi qui te vantes d’y échapper… Non, c’est impossible ! Je ne te crois pas. Tiens, donne-moi une dernière, une suprême marque d’affection. Quitte l’armée, quitte-nous ; retourne à ton parti, à ta famille, à ton milieu. Fais en sorte que le marquis ne te revoie jamais…

MARIE. C’est sérieux, ce que tu me dis là ?

LOUISE. Oui, quitte-moi pendant que je t’admire et te chéris encore. Demain, je te verrais troublée, il me semblerait que Saint-Gueltas te cherche ou te regarde… Cette jalousie qu’il veut exciter en moi me rendrait folle, injuste envers toi, odieuse à moi-même. Va-t’en, Marie, ma chère Marie ! pardonne-moi, va-t’en, je te le demande à genoux.

MARIE. Adieu, Louise, ma pauvre amie ! Hélas ! que vas-tu devenir ? (Elle l’embrasse.) Adieu !

LOUISE. Disons-nous adieu ici, et pleurons sans qu’on nous voie ; mais tu vas venir avec moi à la ville. Il faudra nous entendre sur le voyage que tu vas faire et sur le prétexte à donner…

MARIE. À notre séparation ? Je t’en laisse le soin.