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femmes ; nous ne jugeons les événements qu’à travers nos instincts ou nos passions. La vérité, c’est le fantôme qui nous fascine ; le devoir, c’est l’homme qui nous charme ; la justice, c’est le désir qui nous aveugle. Nous nous croyons intrépides et dévouées quand nous ne sommes que folles d’amour et de jalousie. Eh bien, oui ! voilà ce que c’est ! Mon courage, c’est de la fièvre ; mon royalisme, c’est du désespoir : cela est misérable et je me condamne ;… mais il est trop tard pour reculer, je ne peux ni ne veux guérir ! J’ai tout immolé à l’amour, et je veux recueillir le fruit de mes sacrifices. Saint-Gueltas m’aimera ou je me ferai tuer. Je me jetterai sous les pieds des chevaux, devant la gueule des canons…

MARIE. Il ne t’en demande pas tant ! Sois sa maîtresse, et il t’aimera vingt-quatre heures.

LOUISE. Sa maîtresse ? Jamais ! Pourquoi donc ne serais-je pas sa femme ? Il ne tient qu’à moi de l’être.

MARIE. Alors, pourquoi ne l’es-tu pas ?

LOUISE. Oh ! malheureuse que je suis ! Je crains d’être haïe quand il se sera engagé à moi ; il raille à tout propos le mariage ; trahi par sa femme, il a conservé de ses premiers liens un souvenir odieux !

MARIE. Sa femme ! Es-tu sûre qu’elle soit morte ?

LOUISE. Ah ! tu crois à cette légende de paysans, à la dame blanche qui revient au château de la Roche-Brûlée ?

MARIE. Il y a deux versions : selon l’une, il a enfermé cette femme coupable ; selon l’autre, il l’a assassinée. Et tu admires l’homme qui n’a pas su sauver sa dignité par une conduite claire et loyale ! Supposons qu’il ait subi l’empire d’une fatalité, comment peux-tu croire qu’il oubliera la blessure de son