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elle devait être ce qu’elle a été, belle, riche, libre de soins et de fatigues trop intenses, brillante, entourée, admirée. Elle a eu des éléments de sécurité, de calme et de puissance appropriés à l’influence heureuse qu’elle devait exercer.

— Et pourtant, reprit Louise, elle souffrait souvent, m’as-tu dit, de cette situation.

— Elle en souffrait jusqu’au désespoir, parce qu’elle était trop complète pour ne pas désirer la vie complète. Mais la vie complète est impossible en ce monde, et, même préservée de l’absorption de la famille, le temps et la liberté lui manquaient souvent. Elle se trouvait trop sacrifiée aux relations extérieures ; elle nous jalousait un coin où elle eût pu se réfugier pour juger en paix les choses de la vie et sa propre vie intérieure. Son chant de la Nuit est un cri de douleur, de fatigue et d’étouffement ; mais on y sent la force quand même, car cette belle nature se retrempait dans ses combats.

« Et l’on revient à sa nature,

s’écriait-elle,

« Comme à son pays bien-aimé. »

Elle avait effectivement non-seulement un empire stoïque sur elle-même, mais encore, et grâce au ciel, une généreuse facilité à reprendre ses armes vail-