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Hetzel n’avait pas seulement un emploi et un rôle important dans la librairie élégante, il avait une mission toute spéciale qui consistait à mettre le commerce des livres au service de la poésie et du sentiment. Sous les titres modestes d’éditeur et de libraire, cet esprit gracieux, sensible et actif poursuivait l’exécution de l’œuvre de goût, et nous avons dû à ce goût, qui faisait de son entreprise un fait exceptionnel, les seuls livres de luxe et de fantaisie qui, depuis vingt ans, aient été mis à la portée et appropriés à l’usage de nombreux lecteurs. Il a cherché à initier à la poésie et à l’esprit, par le dessin et la gravure, toute une classe nouvelle de consommateurs, les bourgeois et les enfants.

Si, jeune lui-même, il n’a pas eu le temps (hélas ! on ne le lui a pas laissé) de produire de jeunes talents, il a du moins su réveiller les talents qui s’endormaient, ou ranimer ceux qui se croyaient lassés de produire. Ayant en lui seul ce qu’il faut pour produire soi-même, il était tout capable, par ses idées riantes, sa sympathie aimable et son courage désintéressé, de rafraîchir des imaginations attristées, que la commande brutale ou la demande absurde de l’exploiteur achève souvent de paralyser.

Si l’artiste avait une intention à émettre, une fantaisie à réaliser, il se chargeait d’en fournir le texte, d’en faire accepter l’originalité, et réciproquement,