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quand il lui plaît de lancer le trait victorieux ou d’atteindre un adversaire dans les nœuds d’une logique impitoyable. Mais avant tout son caractère est la pénétration savante unie à la passion du beau. Aussi personne n’écrit mieux un feuilleton littéraire. La sagesse, l’ampleur philosophique, la chaleur contenue, la sérénité dans le langage et la justesse dans l’exposition, toutes les qualités des princes de la critique embellissent et rehaussent ses jugements : il ne les donne point pour des arrêts et néanmoins ce sont autant de prononcés définitifs. Nul ne peut appeler des sentences si peu sentencieuses de ce juge qui voit tout et pèse tout avec une impartialité aussi simple que grandiose.

George Sand, comme les vrais critiques, possède éminemment la faculté d’admiration et cette autre, que celle-ci semble exclure, de raisonner ses sentiments. Il admire sans effort ce qui est beau ou sublime, parce qu’il crée lui-même le sublime ou le beau, parce qu’il ignore les petitesses jalouses, parce que c’est avant tout un esprit sincère et sensible. Mais en même temps parce que son talent est quelque chose de complet, il s’élève à la métaphysique du beau, il en calcule les maîtresses règles, et sans pédanterie comme sans mollesse ramène ses impressions à certains principes très-généraux et