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— C’est juste, dit Marcel en prenant son chapeau, cela vous est fort indifférent ! N’importe, ne cherchez point à passer pour un malotru, et prenons jour pour que j’annonce votre visite.

Antoine choisit le surlendemain, et on se sépara ; mais, dès le lendemain, sans en rien dire à Marcel, il faisait indirectement d’adroites démarches pour racheter sans perte la maison de Sèvres. Était-il décidé à faire ce cadeau à son neveu, ce plaisir à sa belle-sœur ? Non certes. Nul homme n’était plus vindicatif, parce que rien en lui n’avait usé ses passions bonnes et mauvaises. Rien dans sa vie étroite n’avait eu assez d’importance pour adoucir les aspérités de sa nature. Seulement, le coup était porté à sa vanité secrète, et, sans aucun art, sans aucun calcul, Julie d’Estrelle avait dompté cet esprit sauvage. Il trouvait en elle une grâce irrésistible et un ton d’égalité sans affectation, qu’il attribuait encore à un besoin d’argent, mais qui le flattait comme de sa vie il ne s’était senti flatté. Il était donc résolu à feindre des velléités de commisération pour madame Thierry. Il craignait véritablement d’être desservi par elle auprès de Julie, et, en rachetant la maison de Sèvres pour son propre compte, il se persuadait qu’il tiendrait son ennemie en respect par l’espoir que ce bienfait était destiné à Julien.

Cependant Marcel continuait à vouloir libérer aussi peu à peu madame d’Estrelle, et, le soir même de sa visite à M. Antoine, il vint la gronder de son étourde-