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dance d’esprit et de sa fierté philosophique, il perdit tout à coup contenance devant le salut gracieux et le regard sincère et limpide de la belle Julie, et, pour la première fois peut-être depuis trente ans, il ôta son chapeau à cornes, et, au lieu de le replacer immédiatement sur sa tête, il le tint sous son bras gauchement, mais respectueusement, tout le temps que dura la visite.

Julie n’eut pas la petite honte de chercher à flatter son caprice ; elle s’intéressa de bonne foi aux richesses horticoles qui lui furent exhibées. Fleur elle-même, elle aimait les fleurs, et ceci n’est pas un madrigal, pour parler la langue de l’époque. Il y a des affinités naturelles entre toutes les créations divines, et de tout temps les symboles ont été l’expression d’une réalité.

Le richard, qui n’avait rien d’une rose, lui, s’épanouissait pourtant à l’éloge sincère décerné à ses plantes chéries. Peu à peu sa morgue affectée tomba devant la sylphide qui foulait à peine ses gazons et qui passait le long de ses plates-bandes comme une brise caressante. Il attendit avec une entière résignation le chiffre attribué à la cession du pavillon.

— Allons, dit Marcel, qui ne voyait pas madame d’Estrelle se préoccuper de cette affaire, dites donc à madame la comtesse, mon cher oncle, l’envie que vous avez d’acquérir…

— Oui, au fait, dit le richard sans trop se laisser compromettre, j’ai eu quelque idée dans le temps