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— Ah ! oui, elle me recevrait dans sa cour, tout au plus dans son antichambre, debout, entre deux portes, comme on reçoit un chien ou un procureur !

— Vous tenez donc beaucoup aux manières, vous qui ne voulez arracher votre chapeau de dessus votre tête devant qui que ce soit ? Mais tranquillisez-vous : madame d’Estrelle est aussi polie avec les honnêtes gens de notre classe qu’avec les gens les plus huppés. À preuve qu’elle est dans les meilleurs termes avec ma tante Thierry, et qu’elles sont déjà presque amies.

— Ah !… Eh bien, c’est parce que madame ta tante est noble ! Les nobles, ça s’entend entre eux comme larrons en foire !

— Sapristi ! mon oncle, qu’est-ce que vous avez donc, encore une fois, contre votre belle-sœur ?

— J’ai… que je la déteste !

— Je le vois bien ; mais pourquoi ?

— Parce qu’elle est noble. Ne me parle pas des nobles ! C’est tous des sans cœur et des ingrats !

— Vous l’avez donc aimée ?

Cette question directe bouleversa M. Antoine. Il pâlit de plus belle, et puis rougit de colère, jura, se prit les cheveux et s’écria en fureur :

— C’est elle qui t’a dit ça ? Elle prétend, elle ose raconter…

— Rien du tout. Je n’ai jamais pu lui arracher un mot sur vous ; mais je me doutais, et à présent vous vous confessez. Dites tout, mon oncle, ça vaudra mieux, ça vous soulagera, et vous aurez eu au moins