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s’être assuré de la bonne santé de celles qui étaient en fleur, il s’arrêta auprès d’un petit vase de faïence où un bulbe inconnu commençait à montrer des fleurs effilées d’un vert sombre et brillant.

— Que sera celle-ci ? pensa-t-il. Fera-t-elle époque dans l’histoire du jardinage, comme tant d’autres qui me doivent leur renommée ? Il me semble qu’il y a déjà longtemps qu’aucun événement ne s’est produit chez moi, et qu’on ne parle plus autant de moi qu’on en devrait parler.

Pourtant Marcel s’en allait songeant, car une grande bizarrerie présidait à l’avarice de M. Antoine Thierry. Cette bizarrerie, c’est que M. Thierry n’était point avare. Il n’entassait pas ses écus, il ne faisait pas et n’avait jamais fait l’usure, il ne se refusait rien de ce qui lui plaisait, et même il avait fait quelquefois de bonnes actions par amour-propre. D’où vient qu’il avait laissé échapper une si belle occasion que de racheter pour son neveu la propriété de son défunt frère ? Cette largesse eût fait parler de lui plus et mieux que la future Antonia Thierrii. Voilà précisément où Marcel cherchait sans trouver le joint. Il savait bien que l’armateur avait toujours été jaloux non du talent qu’il dédaignait, mais de la célébrité et de la vogue mondaine de son frère le peintre ; mais cette jalousie ne devait-elle pas être morte avec le vieux André ? Sa veuve et son fils devaient-ils en recueillir le triste héritage ?

Une pensée traversa l’esprit de Marcel : il revint sur