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dreux, le dos voûté par le travail corporel, présentent en plein Paris, au sein d’un palais dont il est le maître insouciant et absorbé, l’image d’un villageois aux manières rustiques, aux préoccupations tenaces, à l’esprit positif et frondeur, au langage incorrect, absolu et tranchant. Il n’a reçu aucune éducation, il est resté stupide à l’égard de tout ce qui est élégance ou poésie. Toute philosophie idéaliste le rend presque furieux. Toute son intelligence, car il en a, et beaucoup, s’est concentrée sur les calculs de prévoyance. C’est par là qu’il s’est enrichi, c’est par là qu’il est un horticulteur émérite.

Marcel salue son oncle avec plus de rondeur que de déférence. Il sait que les hommages seraient peines perdues, que c’est en luttant d’obstination, de rudesse au besoin, qu’on peut amener l’ex-armateur à céder en quoi que ce soit. Il sait que son premier mouvement est de dire non, que non sera peut-être son dernier mot, mais que, pour avoir sur cent non un pauvre oui, il faut batailler sans défaillance. Marcel est bien trempé (il est de la famille), et l’habitude de la lutte, surtout de la lutte contre son oncle, lui a fait trouver une sorte d’âpre plaisir à cette occupation qui en un instant rebuterait un artiste.

— Voilà, dit-il pour commencer, je vous apporte quelque chose à signer.

— Je ne signe rien ; ma parole suffit.

— Oui, avec ceux qui vous connaissent.

— Tout le monde me connaît.