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temps qu’il lui venait des ressources, je recueillais mon héritage. Nous avons donc été récompensés de notre constance, non pas seulement par trente ans d’amour et de bonheur, mais encore par une certaine prospérité dans notre vieillesse.

— Alors, à présent…

— Oh ! à présent, c’est autre chose !… Je suis heureuse encore, mais autrement. J’ai perdu mon bien-aimé compagnon, et avec lui toute aisance ; mais il me reste des consolations si grandes…

Madame Thierry allait parler de son fils, lorsqu’un valet en livrée vint dire à la comtesse que sa vieille amie madame Desmorges l’attendait à l’hôtel.

— Demain, dit Julie à madame Thierry en se levant, nous causerons tout à notre aise, chez vous ou chez moi. Je veux savoir tout ce qui vous concerne, car en vérité je sens que je vous aime. Pardonnez-moi de vous le dire comme cela, mais c’est comme cela ! Je vais recevoir une personne âgée que je ne puis faire attendre ; mais en même temps je donnerai des ordres pour que les ouvriers soient ici demain, et pour que votre prison soit ouverte.

Madame Thierry resta enchantée de madame d’Estrelle. Elle était vive et spontanée, jeune de cœur toujours, enthousiaste, pour avoir vécu dans le foyer d’enthousiasme d’un artiste aimé, et assez romanesque, comme devait l’être une femme qui avait tout sacrifié à l’amour. Dans le premier mouvement, elle eût raconté avec feu à son fils ce qui venait de se