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amis leur suffirent, et madame Thierry fut la plus heureuse des mères. Ce bonheur fut troublé, il est vrai, par les tempêtes politiques, que Julien avait vues approcher sans les prévoir si rapides et si radicales. Esprit net et généreux, il se vendit très-utile dans son milieu par le soin qu’il prit de soulager la misère et de l’empêcher, autant qu’il le put, de se porter à des violences funestes. Longtemps il conserva une grande influence sur les ouvriers de la manufacture de Sèvres et sur ceux du faubourg qui entouraient l’hôtel d’Estrelle. En certains jours, il se vit débordé ; mais rien ne put l’entraîner aux actes que réprouvait sa conscience, et à son tour il se vit menacé et tout près de devenir suspect. La fermeté qu’il opposa aux soupçons, la générosité de ses sacrifices personnels, la confiance qu’il montra au milieu du danger le sauvèrent. Julie fut aussi brave que lui. La femme timide s’était transformée ; elle avait senti son âme se développer et se retremper dans cette fusion de l’amour avec une âme droite et courageuse. Elle éprouva de grands déchirements sans doute en voyant plusieurs de ses anciens amis saisis par la Révolution en dépit de tous les efforts de Julien pour les y soustraire. Elle réussit à en sauver quelques-uns par de sages conseils et d’utiles démarches. Elle en cacha deux dans sa propre maison ; mais elle ne put préserver la baronne d’Ancourt, qui se perdit par l’excès de sa frayeur, et subit une captivité des plus dures. La malheureuse marquise d’Estrelle ne sut pas