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que le peintre eût laissé un fils. Dans tous les cas, elle n’avait pas songé à s’en enquérir. Jamais elle ne l’avait aperçu aux fenêtres, d’abord parce qu’elle avait la vue fort basse et que les jeunes femmes de cette époque ne se servaient pas de lunettes, ensuite parce que Julien, averti du voisinage d’une personne de mœurs austères, avait eu grand soin de ne pas se montrer. Quelquefois, aux croisées du premier étage, madame d’Estrelle avait aperçu, coiffée d’un bonnet blanc, une tête fine et pâle qui la saluait avec une déférence réservée. Elle avait franchement rendu le salut, et même avec respect, à la paisible veuve ; jamais encore on n’avait échangé un mot.

Ce jour-là, Julie, voyant la croisée du rez-de-chaussée entr’ouverte, se demanda pour la première fois pourquoi elle n’avait établi aucune relation de voisinage avec madame Thierry. Elle examina la façade du petit édifice, et remarqua que la porte qui donnait sur le fond du jardin était restée fermée en dehors, comme lorsqu’il n’était pas habité. Madame Thierry n’avait que la vue des massifs qui lui masquaient l’hôtel et une partie de la pelouse principale. Elle n’avait même pas le droit de s’asseoir au soleil, le long de son mur, au pied de ces arbustes fleuris qui entraient jusque dans son appartement, et qu’elle n’avait pas non plus le droit d’élaguer. À plus forte raison lui était-il interdit, par les conditions de son bail, de faire quelques pas sur le sable de l’allée qui longeait le mur de la rue. Bref, la porte était