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— Que dis-tu donc là ! s’écria Julien bouleversé. Tu as pris du poison ! Dis ! réponds, je veux savoir !

— Non, non, rien ! dit-elle en l’entraînant d’un mouvement brusque et désespéré qui le frappa.

Elle s’était penchée sur l’eau, elle y avait vu le reflet vague de sa figure et de sa robe blanche ; elle s’était rappelé que, dans une heure, il fallait qu’elle fût là elle-même étendue, immobile, morte ; elle se l’était juré. C’était le prix de son serment violé, c’était le prix du bonheur de Julien ; une terreur effroyable de la mort l’avait fait tressaillir et reculer.

— De quoi as-tu peur ? lui dit-il ; qu’as-tu vu dans cette eau ? à quoi as-tu pensé ? pourquoi as-tu fui ? Tiens ! je devine, tu veux mourir bientôt, tout à l’heure, quand je serai parti ! Eh bien, cela ne sera pas, tu es ma femme. Puisque tu m’aimes toujours, tu m’appartiens ; je ne sais pas quel serment tu as fait, je ne sais pas quelle contrainte tu subis ; mais, moi, ton amant, ton mari et ton maître, je te délie de tout ! Je t’enlève, non, je t’emmène, c’est mon droit. Je ne veux pas que tu meures, moi, et je veux que ma mère vive pour te bénir. J’ai de la force pour vous deux ; je ne sais pas quelle lutte j’aurai à soutenir, je la soutiendrai. Viens, sortons d’ici ! Si tu n’as pas la force de marcher, j’aurai celle de te porter. Viens, je le veux ! l’heure est venue de ne plus connaître d’autre pouvoir sur ta vie que le mien.

Et, comme, en l’entraînant vers le pavillon, il la ramenait vers la pièce d’eau, le combat du remords