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ches sans courbure, qui étaient d’un plus joli effet dans les bosquets que nos modernes champignons, et, pensive, posant doucement sur le gazon le talon de ses petites mules, la jupe retroussée avec grâce sur le jupon plat, elle erra sous les lilas de son jardin, respirant le printemps avec une muette angoisse, tressaillant à la voix du rossignol, ne songeant à personne, et pourtant jetée en dehors d’elle-même par une aspiration immense.

De lilas en lilas, elle approcha du pavillon où, une heure auparavant, travaillait Julien Thierry, le fils du peintre, le neveu du richard, le cousin du procureur. Le jardin était grand pour un jardin de Paris et très-beau d’arrangement et de végétation. Tous les jours, madame d’Estrelle en faisait le tour deux ou trois fois, donnant un coup d’œil mélancolique ou affectueux à chacune des corbeilles de fleurs semées dans les gazons. Lorsqu’elle arrivait en vue des fenêtres du pavillon Louis XIII, elle ne se détournait pas et ne s’inquiétait pas des regards, ce pavillon n’ayant pas été habité pendant longtemps. Julien et sa mère n’y étaient installés que depuis un mois ; madame d’Estrelle s’était plainte à Marcel Thierry du marquis son beau-père, qui, pour ne pas laisser dormir le chétif rapport d’une propriété si modique, y avait mis des locataires inconnus. Marcel l’avait rassurée en lui disant que la nouvelle occupante était la veuve discrète et respectable de son oncle l’artiste. Il n’avait pas parlé de Julien. La comtesse ignorait peut-être