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Elle écrivit à Julien :

« Voici la clef du pavillon. Venez à minuit, vous m’y trouverez. Je pars pour un long voyage. J’ai à vous dire un éternel adieu. »

Elle mit la clef dans la lettre, cacheta le billet, ordonna au plus sûr de ses domestiques de monter à cheval, de courir ventre à terre jusqu’à Sèvres et de lui rapporter la réponse. Il était cinq heures de l’après-midi.

Elle sortit dans le jardin en attendant la visite de M. Antoine, et s’arrêta au bord de la pièce d’eau. Cette eau n’était guère profonde ; mais en s’y couchant de son long !… Quand on veut mourir, on le peut toujours. Le genre de suicide qui, peu de jours auparavant, avait si violemment tenté Julien, se présentait à elle avec un calme effrayant.

— Personne autre que lui sur la terre ne tient à moi, pensait-elle. Ne pouvant être à lui, je ne me dois à personne. Une haine infernale m’a saisie et garrottée au milieu de ma vie, au milieu de mon bonheur. On ne m’ôte pas seulement l’amour et la liberté, on veut m’ôter l’honneur. Marcel l’a dit, il faut que je passe pour la maîtresse de cet odieux vieillard. Ah ! si Julien savait cela, comme il aurait horreur du bien-être dont jouit sa mère ! Et si elle-même le devinait !… Ils l’ignoreront, je le veux ; ma mort sera le résultat d’un accident. Il n’y aura plus à revenir sur ce qui va être conclu. Julien sera riche et honoré. Nul ne devinera jamais à quel prix.