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monde ; mais les ennemis de ceux que j’aime ne peuvent jamais devenir mes amis, et leurs bienfaits me sont une offense que je repousse.

— Attendez, on vous dit ! s’écria M. Antoine frappant du pied ; avez-vous le diable au corps ? Vous croyez que je veux ruiner vos amis ? Point ! Je leur donne la maison de Sèvres, qui est aujourd’hui à moi, s’il vous plaît ! Je leur fais une rente, je leur assure une bonne part de mon héritage, car je partage mon bien entre vous, Julien et cet âne de procureur que voilà ! Ainsi je vous fais tous riches et heureux, à une seule condition : c’est que le pavillon va être vidé sur l’heure, et que vous jurerez tous sur l’honneur, et signerez ce serment-là, comme quoi jamais madame d’Estrelle ne reverra M. Julien.

Cette fois, Julie resta interdite. S’il y avait de la folie bien réelle chez ce vieillard inexorable, il y avait une sorte de grandeur farouche dans cette magnificence qui ne reculait devant aucun sacrifice pour assurer le triomphe de sa jalousie. Il y avait de l’habileté aussi à mettre ainsi madame d’Estrelle aux prises avec le sacrifice des intérêts de Julien, de madame Thierry et de Marcel. Ce dernier s’exécuta sur-le-champ avec une grande noblesse de langage.

— Mon oncle, dit-il à M. Antoine, vous ferez pour moi dans l’avenir ce que bon vous semblera. Vous me connaissez trop pour croire que des espérances de ce genre influeront jamais sur ma conscience. J’ai dit tout à l’heure que j’étais contraire à la résolution de