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vard des Invalides. Le lieu était complètement désert et mal éclairé par des réverbères très-peu espacés. Julie n’aperçut pas une tache sur sa main gantée, mais elle sentit la moiteur du sang sur son poignet, et elle s’écria en s’arrêtant :

— Ah ! mon Dieu, vous êtes blessé !

Julien ne sentait rien, il était bien sûr de n’avoir rien de grave ; il enveloppa sa main écorchée de son mouchoir et offrit son autre bras à Julie.

— Je vous jure que je n’ai rien, lui dit-il, et quand j’aurais quelque chose ! Malheureusement, ces gens-là ne sont pas redoutables, et j’ai eu peu de mérite à vous en débarrasser. Des beaux fils, des petits-maîtres ! Et cela prend le titre de nobles, peut-être !

— Les nobles, vous les détestez donc bien !

— Moi, détester ? Non ! mais je hais l’impertinence, et comme ces gens-là ne se battent pas toujours en duel avec les roturiers, je suis bien aise de les avoir battus comme eût fait un charretier.

— Hélas ! dit Julie pensant à elle-même, ils n’en sont pas moins les maîtres d’insulter et d’opprimer le faible !

— Le faible ! Qui donc est le faible ? reprit Julien, qui se trompa sur le sens de ses paroles. L’homme sans nom ? Détrompez-vous, madame : c’est à lui que l’avenir appartient, puisqu’il a pour lui le droit, la vraie justice, et la volonté d’en finir avec les abus du passé.

Julie ne comprit pas ; mais elle trembla de nou-