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Le cœur battit très-fort à madame d’Estrelle. Elle regarda la banquette que l’enfant désignait et ne reconnut personne. Marcel l’explora attentivement. Juliot s’était trompé. Le personnage qu’il avait pris pour Julien se retourna. Ce n’était pas lui ; il n’était pas là. Il était dans une galerie des secondes, juste au-dessus de la loge où se cachait Julie, et à cent lieues de se douter qu’en descendant au rez-de-chaussée il eût pu essayer de l’apercevoir. L’eût-il su d’ailleurs, il se fût tenu à sa place. Sa résolution de ne plus chercher ces furtives occasions était bien arrêtée. Il avait ses entrées aux Français en qualité d’artiste. Il écoutait Polyeucte avec recueillement comme un dévot écoute le prêche, et il sortit avant la fin, craignant que sa mère ne l’attendît pour se coucher. Comme il traversait le vestibule, il fut fort étonné de se trouver face à face avec l’oncle Antoine. L’oncle Antoine avait pour règle invariable de se coucher à huit heures du soir, et peut-être n’avait-il jamais mis le pied dans un théâtre. Julien l’aborda franchement ; c’était le mieux, dût-il être mal accueilli.

— Vous voilà donc enfin retrouvé ? lui dit-il. On était inquiet de vous.

— Qui, on ? répondit l’oncle d’un ton bourru.

— Marcel et moi.

— Vous êtes bien bons ! Vous m’avez donc cru parti pour les Indes, que tu parais si surpris de me voir ?

— J’avoue que je ne m’attendais guère à vous rencontrer ici.