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— Mais je n’ai plus de loge nulle part ; vous savez bien que je n’en ai plus le moyen.

— Raison de plus pour aller où bon vous semble. Une loge à l’année est un esclavage ; cela vous met en évidence et nécessite le chaperon. Il est de petits plaisirs que les bourgeois se permettent à peu de frais et sans étalage incommode. Aujourd’hui, par exemple, je conduis ma femme à la Comédie-Française. Nous avons loué une loge grillée au rez-de-chaussée.

— Ah ! quel plaisir ce doit être que d’aller là !… On n’est pas vu du tout, n’est-ce pas ? On jouit du spectacle, on peut rire ou pleurer sans que la galerie vous épilogue ? Avez-vous une place pour moi, monsieur Thierry ?

— J’en ai deux ; je comptais en offrir une à ma tante.

— Et l’autre à son fils ? Alors…

— Ceci ne fait pas question : il ira un autre jour ; mais que pensera-t-on de vous rencontrer au bras de votre procureur dans les couloirs ? Ou, si quelqu’un vous distingue et vous devine, assise à côté de madame Marcel Thierry, que dira-t-on ?

— On dira ce qu’on voudra, et l’on sera fort sot d’y trouver quelque chose à reprendre.

— C’est bien mon opinion ; mais on est sot, et l’on dira que vous voyez mesquine compagnie : encore je gaze le mot par respect pour ma femme, car on dira mauvaise compagnie.

— C’est indigne, la sottise du monde ! Votre femme