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mais qu’ils sont loin ! Et quel moyen d’aller les rejoindre ?

C’est ainsi qu’à la veille d’une révolution terrible les prisonniers du passé pleuraient sur leurs chaînes, et les croyaient rivées sur eux pour l’éternité. Le plus souvent, néanmoins, Julie oubliait toute cette question des faits extérieurs pour se perdre dans de vague contemplations et dans de secrètes préoccupations d’un nouveau genre. Nous verrons bientôt quel en était le sujet, et combien ce cœur généreux, mais timide, avait de peine à se mettre d’accord avec lui-même.

Quinze jours s’étaient écoulés depuis la catastrophe de l’Antonia, et madame d’Estrelle n’avait ni vu, ni entendu, ni aperçu Julien. Elle eût pu croire qu’il n’avait jamais existé, et que les deux entrevues étaient un rêve. Madame Thierry n’avait pas mis le pied au jardin, et, lorsque Julie étonnée avait envoyé prendre de ses nouvelles, on lui avait répondu qu’elle était un peu souffrante, — rien d’inquiétant, — mais forcée de garder la chambre.

Marcel, interrogé, éludait les questions, confirmait la légère indisposition de sa tante et n’entrait dans aucun détail. Julie n’osait pas insister : elle devinait que sa voisine voulait rompre toute espèce de relation, tout prétexte de rapports, même indirects, entre elle et son fils.

Enfin madame Thierry reparut un matin, au moment où Julie ne l’attendait plus. Interrogée avec