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hautes régions de l’âme et de se croire appelé à la conquête des divinités. Aussi alliait-il dans sa passion une admirable humilité à une fierté sans bornes.

— Je ne suis pas digne d’une telle femme, se disait-il ; il faudra que je le devienne, et, quand je le serai à force de patience, de désintéressement, d’abnégation et de respect,… eh bien, alors je me sentirai peut-être le droit de lui dire : « Aimez-moi. »

Pourtant il se demandait parfois si ce jour-là viendrait avant que les circonstances imprévues de l’avenir eussent disposé du sort de Julie, et alors il se répondait :

— Eh bien, j’aurai son estime, son amitié peut-être, et le temps consacré à me gouverner noblement ne sera pas perdu pour moi-même.

Madame Thierry fut donc surprise et ravie de voir revenir en lui tout d’un coup, et le jour même de cette grande aventure, l’enjouement et toutes les apparences de la santé physique et morale.

— Mon ami, dit-elle à Marcel dans un moment de tête-à-tête, je n’ose pas t’avouer ce qui me passe par l’esprit ; mais il a l’air si heureux !… Mon Dieu ! crois-tu cela possible ?

— Quoi ?… dit Marcel. Ah ! oui, la visite à madame d’Estrelle ! Eh bien !…. ça s’est vu, ma bonne tante ; il est assez beau garçon et assez aimable pour plaire à une grande dame ; mais celle-ci est ruinée et n’en sortira que par un riche mariage, qu’il faut lui souhaiter, à la condition que ce ne soit pas avec un