Page:Sand - Antonia.djvu/138

Cette page n’a pas encore été corrigée

honteuse, maladroite, dévoilée, sans ressources, au bout d’une impasse. Que faire ? Mettre à la porte ce cuistre qui lui faisait subir un interrogatoire révoltant, par conséquent abandonner la cause des pauvres Thierry et les livrer à sa vengeance, ou bien se contenir, se défendre tant bien que mal, et se soumettre à l’humiliation de la plus déplacée des semonces ?

— Il paraît, dit-elle avec une résignation douloureuse, que j’ai commis une grande faute en pénétrant dans ce pavillon ! J’étais loin de m’en aviser, je n’avais jamais vu maître Julien Thierry, et je m’en allais, glorieuse de vos bonnes promesses, porter la joie à sa pauvre mère ! Me voilà bien punie d’avoir été enthousiasmée de vous à ce point, monsieur Thierry, puisque vous vous croyez en droit de m’apostropher comme une petite fille et de me demander compte de la plus innocente, sinon de la plus honnête des démarches qu’une femme puisse faire auprès d’une autre femme !

— Aussi ce n’est pas vous que je blâme, reprit M. Antoine, adouci d’un côté et d’autant plus irrité de l’autre ; ce sont les vrais coupables que je condamne sans appel. Et savez-vous ce qui serait arrivé si j’étais entré sur le coup, au moment où maître Julien cassait mon lis ? J’aurais cassé maître Julien, moi ! Oui, aussi vrai que je vous le dis, voilà une tête de canne qui lui aurait fendu sa tête de peintre !

Madame d’Estrelle fut effrayée de l’air de méchanceté exaltée de M. Antoine ; elle eut vraiment peur de lui, et regarda involontairement autour d’elle,