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mer passionnément son modèle. L’horticulteur conçut dès lors quelque estime pour lui, et, comme jamais madame Thierry n’avait révélé à son fils la folle conduite de son beau-frère envers elle, comme rien dans la physionomie et les manières du jeune homme ne trahissait la moindre aversion, Antoine, qui avait d’autant plus besoin de s’attacher à quelqu’un qu’il était devenu plus égoïste, le prit en une sorte d’amitié latente et sourde, si l’on peut ainsi parler.

Le second jour, Julien commença à peindre ; mais, cette fois, l’oncle ne comprit plus rien, et commença à s’inquiéter. Ce fut bien pis quand Julien lui déclara qu’il avait besoin de finir son travail dans son atelier, où il avait des conditions de lumière disposées à son gré, et une foule de petits objets qu’il ne pouvait transporter sans en oublier quelques-uns. Il y avait loin du pavillon à la serre de l’hôtel Melcy, et, le lendemain, on n’aurait pas de temps à perdre en allées et venues ; il fallait saisir au vol l’expression de la plante dans son état de floraison complète.

Mais faire voyager le modèle, c’était le compromettre ; c’était hâter sa floraison, fatiguer sa tige, ternir sa fraîcheur ! L’oncle Antoine, trouvant l’artiste inébranlable, se résolut à porter lui-même la précieuse Antonia à son atelier avec tous les soins possibles, au risque de rencontrer madame Thierry et d’être forcé de la saluer.

En imposant ce dur sacrifice à l’oncle Antoine, Julien n’avait pas cédé aux petites manies d’un artiste