fallut qu’il n’allât aussi remercier son père, qui avait consenti à faire de lui autre chose qu’un paysan. Dans ses jours de spleen, il lui était arrivé souvent de maudire l’éducation, qui, en lui créant des besoins nouveaux, lui rendait sa condition réelle plus triste encore. Maintenant il demandait pardon à Dieu d’un tel blasphème. Il reconnaissait tous les avantages de l’étude, et se sentait maître du feu sacré qui devait embraser l’âme de Geneviève.
Mais toutes ces fumées de bonheur et de gloire se dissipèrent lorsqu’il songea à la difficulté de revoir prochainement Geneviève et à la possibilité effrayante de ne la revoir jamais. Il avait fait avec sa liberté de la veille mille romans délicieux en parcourant à pas lents les allées humides de la rosée du matin ; mais, à force de se créer un bonheur imaginaire, le besoin de réaliser ses rêves devint un malaise et un tourment. Son cœur battait violemment et à chaque instant semblait s’élancer hors de son sein pour rejoindre l’objet aimé. Il s’étonna de ces agitations. Il n’avait pas prévu qu’arrivé à ce point l’amour devait devenir une souffrance de toutes les heures. Il avait cru au contraire que, du moment où il aurait retrouvé l’objet d’une si longue attente, sa vie s’écoulerait calme, pleine et délicieuse ; qu’un jour de bonheur suffirait à ses rêveries et à ses souvenirs pendant un mois, et qu’il aurait autant de douceur à savourer le passé qu’à jouir du présent. Maintenant la veille lui semblait s’être envolée trop rapidement ; il