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— Cela est impossible. Quand vous regardez les étoiles, vous pensez à quelque chose.

— Je pense quelquefois à Dieu, qui a mis toutes ces lumières là-haut ; mais comme on ne peut pas toujours penser à Dieu, il arrive que je continue à les regarder sans savoir pourquoi ; et pourtant je reste des heures entières à ma fenêtre sans pouvoir m’en arracher. D’où cela vient-il ? Sans doute les étoiles font cet effet-là à tout le monde : n’est-ce pas Justine ?

— Je crois, dit Justine, que ton amie Henriette ne les regarde jamais. Pour moi, je suis comme toi, je ne peux pas en détacher les yeux ; mais c’est que cela me fait penser à des milliers de choses.

— Oh ! c’est que vous êtes savante, vous, Justine ; vous êtes bien heureuse ! Mais dites-moi donc à quoi les étoiles vous font penser : j’aurai peut-être eu les mêmes idées sans pouvoir m’en rendre compte.

— Mais, dit Justine, à quoi ne pense-t-on pas en regardant ces milliards de mondes, auprès desquels le nôtre n’est qu’une tache lumineuse de plus dans l’espace ?

Geneviève s’arrêta tout étonnée et regarda Justine, attendant avec impatience qu’elle s’expliquât davantage.

André s’était imaginé, en voyant le beau front de Geneviève plein d’intelligence, et en écoutant son langage toujours si raisonnable et si pur, qu’elle devait savoir toutes choses, et l’idée de sa propre infériorité l’avait rendu jusque-là timide et tremblant