Page:Sand - Andre.djvu/70

Cette page n’a pas encore été corrigée

pas besoin de vertu pour garder sa sainte pudeur, et le noble orgueil d’elle-même suffisait à la préserver des hommages grossiers que recherchaient ses compagnes ; elle les fuyait, non par haine, mais par dédain ; elle ne craignait pas d’y succomber, mais d’en subir le dégoût et l’ennui. Heureuse avec sa liberté et ses occupations, orpheline, riche par son travail au delà de ses besoins, elle était affable et bonne avec ses amies d’enfance : elle eût craint de leur paraître vaine de son petit savoir, et se laissait égayer par elles ; mais elle supportait cette gaieté plutôt qu’elle ne la provoquait, et si jamais elle ne leur donnait le moindre signe de mépris et d’ennui, du moins son plus grand bonheur était de se retrouver seule dans sa petite chambre et de faire sa prière en regardant la lune et en respirant les jasmins de sa fenêtre.




VI.


André avait un peu trop compté sur ses forces en se chargeant de demander le char à bancs et le cheval de son père. Il fit cette pénible réflexion en quittant, vers neuf heures, la famille Marteau, et son anxiété prit un caractère de plus en plus grave à mesure qu’il approchait du toit paternel ; mais ce fut une bien autre consternation lorsqu’il trouva son père dans un de ses accès de mauvaise humeur des plus prononcés. Le plus beau de ses bœufs de tra-