— D’autant plus que pour les cueillir dans cet endroit, répondit André, il faut courir un certain danger : l’étang de Château-Fondu a des bords assez perfides.
— Où prenez-vous ce Château-Fondu ? demanda Henriette.
— Auprès du château de Morand, répondit Joseph. Oh ! c’est un endroit singulier et assez dangereux en effet. Figurez-vous un petit lac au milieu d’une prairie : l’eau est presque toute cachée par les roseaux et les joncs ; cela est plein de sarcelles et de canards sauvages : c’est pourquoi j’y vais chasser souvent.
— Quand tu dis chasser, tu veux dire braconner, interrompit André.
— Soit. Je vous disais donc qu’on ne voit presque pas où l’eau commence, tant cela est plein d’herbes. Sur les bords il y a une espèce de gazon mou où vous croyez pouvoir marcher ; pas du tout : c’est une vase verte où vous enfoncez au moins jusqu’aux genoux, et très-souvent jusque par-dessus la tête.
— La tradition du pays, reprit André, est qu’autrefois il y avait un château à la place de cet étang. Une belle nuit le diable, qui avait fait signer un pacte au châtelain, voulut emporter sa proie et planta sa fourche sous les fondations. Le lendemain on chercha le château dans tout le pays ; il avait disparu. Seulement on vit à la place une mare verte dont personne ne pouvait approcher sans enfoncer dans