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sacré de jour en jour. Elle l’aimait peut-être avec plus de dévouement ; mais il n’était plus pour elle, comme autrefois, un ami précieux, un instituteur vénéré ; la tendresse demeurait, mais l’enthousiasme était mort. Pâle et rêveuse entre ses bras, elle songeait au temps où ils étudiaient ensemble sans oser se regarder, et ce temps de crainte et d’espoir était pour elle mille fois plus doux et plus beau que celui de l’entier abandon.

Pour comble de malheur, Geneviève devint grosse ; alors il n’y eut plus à reculer, André fit les sommations de rigueur à son père, et, un soir, Geneviève, appuyée sur le bras de Joseph, alla à l’église et reçut l’anneau nuptial de la main d’André. Elle avait été le matin à la mairie avec le même mystère ; ce fut un mariage triste et commis en secret comme une faute.

La misère où tombait de jour en jour ce couple malheureux, et surtout la grossesse de Geneviève, mettait André dans la nécessité de réclamer sa fortune ; mais Geneviève s’opposait avec force à cette dernière démarche. « Non, disait-elle, c’est bien assez de lui avoir désobéi et d’avoir bravé sa malédiction et sa colère ; il ne faut pas mériter son mépris et sa haine. Jusqu’ici il peut dire que je suis une insensée, qui s’est éprise de son fils et qui l’a entraîné dans le malheur ; il ne faut pas qu’il dise que je suis une vile créature qui veut le dépouiller de son argent pour s’enrichir. »