Page:Sand - Andre.djvu/230

Cette page n’a pas encore été corrigée

et pour laver cette tache, il faut que je t’exhorte à violer tous les devoirs de la piété filiale. Non, c’est impossible, André ; il vaut mieux souffrir et n’être pas coupable. Réussir au prix du remords, c’est se condamner dès cette vie aux tourments de l’enfer. »

André ne savait que répondre à ces scrupules, que d’ailleurs il partageait. Il sentait que son devoir était de la quitter et de lui laisser accomplir son courageux sacrifice, dût-il en mourir de chagrin. Mais cela était plus que tout le reste au-dessus de ses forces ; il se jetait à genoux, pleurait et demandait la pitié et les consolations de Geneviève.

Geneviève était forte et magnanime ; mais elle était femme et elle aimait. Après l’élan qui la portait aux grandes résolutions, la tendresse et l’instinct du bonheur parlaient à leur tour. Elle regrettait de n’avoir pas pour appui un amant plus courageux qu’elle.

— Ah ! disait-elle à André, tu m’entraînes dans le mal, tu me fais manquer à l’estime que je voulais avoir pour moi-même ; je ne m’en consolerai pas et je ne pourrai jamais cesser de t’accuser un peu. Avec un homme plus fort que toi, j’aurais pratiqué les vertus héroïques ; il me semble que j’en suis capable et que ma destinée était de faire des choses extraordinaires. Et pourtant je vais tomber dans une existence coupable, égoïste et honteuse. Je vais travailler sordidement à épouser un homme plus riche