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qu’André aimait tant, elle y laissa tomber plus d’une larme. « Voici, leur disait-elle dans l’exaltation de ses pensées, la rosée qui désormais vous fera éclore. Ah ! desséchez-vous, tristes filles de mon amour ! Lui seul savait vous admirer, lui seul savait pourquoi vous étiez belles. Vous allez pâlir et vous effeuiller aux mains des indifférents : parmi eux je vais me flétrir comme vous. Hélas ! nous avons tout perdu ; vous aussi, vous ne serez plus comprises ! »

Elle fit un autre paquet des livres qu’André lui avait donnés ; mais la vue de ces livres si chers lui fut bien douloureuse. « C’est vous qui m’avez perdue, leur disait-elle. J’étais avide de savoir vous lire, mais vous m’avez fait bien du mal ! Vous m’avez appris à désirer un bonheur que la société réprouve et que mon cœur ne peut supporter. Vous m’avez forcée à dédaigner tout ce qui me suffisait auparavant. Vous avez changé mon âme, il fallait donc aussi changer mon sort ! »

Geneviève fit tous les apprêts de son départ avec l’ordre et la précision qui lui étaient naturels. Quiconque l’eût vue arranger tout son petit bagage de femme et d’artiste, et tapisser d’ouate la cage où devait voyager son chardonneret favori, l’eût prise pour une pensionnaire allant en vacances. Son cœur était cependant dévoré de douleur sous ce calme apparent. Elle ne se laissait aller à aucune démonstration violente, mais personne ne recevait des