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mais, lorsqu’il se rapprochait de ses hôtes, il maudissait devant eux cette misérable petite fille qui allait être cause de la mort d’André, et disait qu’il la tuerait s’il la tenait entre ses mains. Au bout d’une heure, Joseph voyant André un peu mieux, partit pour en informer Geneviève, et pour calmer autant que possible l’inquiétude où elle devait être plongée. Il prit à travers prés, et en dix minutes arriva à la chapelle de Saint-Sylvain : c’était une masure abandonnée depuis longtemps aux reptiles et aux oiseaux de nuit. La lune en éclairait faiblement les décombres, et projetait des lueurs obliques et tremblantes sous les arceaux rompus des fenêtres. Les angles de la nef restaient dans l’obscurité, et Joseph se défendit mal d’une certaine impression désagréable en passant auprès d’une statue mutilée qui gisait dans l’herbe et qui se trouva sous ses pieds au moment où il traversait un de ces endroits sombres. Il était fort et brave, dix hommes ne lui auraient pas fait peur ; mais son éducation rustique lui avait laissé malgré lui quelques idées superstitieuses. Il ne s’y complaisait point, comme font parfois les cerveaux poétiques ; il en rougissait au contraire et cachait ce penchant sous une affectation d’incrédulité philosophique ; mais son imagination, moins forte que son orgueil, ne pouvait étouffer les terreurs de son enfance et surtout le souvenir du passage de la grand’bête dans la métairie où il était resté six ans en nourrice. La grand’bête apparaît tous les dix ans dans le pays