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naturel et juste ; mais l’épouser quand on l’a perdue de réputation, vous appelez cela une diable d’idée, une invention folle !… Ah ! je vois le danger où je m’exposais en souffrant vos galanteries ; mais, Dieu merci, il est encore temps de m’en préserver. Pauvres filles que nous sommes ! c’est ainsi qu’on abuse de notre candeur et de notre crédulité ! Vous n’abuserez pas ainsi de moi, monsieur Joseph ; adieu, adieu pour toujours.


Et Henriette s’enfuit furieuse et désespérée. Joseph se promit de l’apaiser une autre fois, et il chercha André. Mais pendant bien des jours André fut introuvable. Il passait le temps où il était forcé de quitter Geneviève à courir les prés comme un fou, et à pleurer d’amour et de joie à l’ombre de tous les buissons. Enfin Joseph le joignit un matin, comme il allait franchir la porte de sa bien-aimée, et, à son grand déplaisir, il l’entraîna dans le jardin voisin.

— Ah çà ! lui dit-il, es-tu fou ? Qu’est-ce qui t’arrive ? Dois-je en croire les bavardages d’Henriette et ceux de toute la ville ? as-tu l’intention sérieuse d’épouser Geneviève ?

— Certainement, répondit André avec candeur. Quelle question me fais-tu là ?

— Allons, dit Joseph, c’est une folie de jeune homme, à ce que je vois ; mais heureusement il est encore temps d’y songer. As-tu réfléchi un peu, mon cher André ? sais-tu quel âge tu as ? connais-tu ton père ? espères-tu lui faire accepter une grisette