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pas ce reproche-là. Que vous disais-je donc ?

— Que vous aviez presque deviné mon amour dans les commencements ; et qu’ensuite…

— Ensuite je vous revis tout changé : vous aviez l’air grave, vous causiez tranquillement ; et si vous vous attendrissiez, c’était en m’expliquant la grandeur de Dieu et la beauté de la terre. Alors je me rassurai ; j’attribuai vos anciennes manières à la timidité ou à quelques idées de roman qui s’étaient effacées à mesure que vous m’aviez mieux connue.

— Et vous vous êtes trompée, dit André : plus je vous ai vue, plus je vous ai aimée. Si j’étais calme, c’est que j’étais heureux, c’est que je vous voyais tous les jours et que tous les jours je comptais sur un heureux lendemain, c’est que les seuls beaux moments de ma vie sont ceux que j’ai passés ici et aux Prés-Girault. Ah ! vous ne savez pas depuis combien de temps je vous aime, et combien, sans cet amour, je serais resté malheureux.

Alors André, encouragé par le regard doux et attentif de Geneviève, lui raconta les ennuis de sa jeunesse, lui peignit la situation de son esprit et de son cœur avant le jour où il l’avait vue pour la première fois au bord de la rivière. Il lui raconta aussi l’amour qu’il avait eu pour elle depuis ce jour-là, et Geneviève n’y comprit rien.

— Comment cela peut-il se passer dans la tête d’une personne raisonnable ? lui dit-elle. J’ai souvent entendu lire à Paris, dans notre atelier,